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L'une des conditions de possibilité de la vie retirée et sédentaire des chartreux – la sériciculture, et la culture du mûrier dont les feuilles sont la nourriture exclusive du bombyx mori (ver à soie) –, les relie au lointain de la Chine. Elles nous rappellent que les romains, qui ont laissé un vaste héritage dans la région, étaient férus de soieries, parvenues jusqu'à nous par ces immenses voies de circulations, pont entre l'Orient et d'Occident, que représentaient les routes de la soie.

otium
En bas dans le cloître, dans l'un des passe-plats qui permettaient aux uns de s'isoler pour dédier leur temps à l'étude – les autres prenant en charge la vie matérielle et économique – se rejoue symboliquement la relation entre les chartreux. Dans cette première vidéo-tableau, les mûres blanches sont une nourriture ; quasi phosphorescentes et d'un aspect proche de la larve, elles peuvent également évoquer la sériciculture. Au nombre de douze, comme les deux fois douze pères, et placées sur une pierre circulaire elles parlent aussi de l'organisation du temps.

imago (Pyrame et Thisbé)
La seconde vidéo-tableau, projetée dans les sous-sacristains flotte comme un écho lointain, fragmentaire et ambigu de l'histoire de Pyrame et Thisbé d'Ovide : les mûriers n'auraient produit que des mûres blanches avant que leurs sangs mêlés au pied de l'arbre ne donnent leur couleur aux fruits. Ce mythe viendrait d'une légende asiatique plus ancienne et a inspiré les histoires de Tristan et Iseult et Roméo et Juliette. Cet imago, archétype – persistance des images, des narrations traversant les civilisations et les générations – de la relation idéalisée et donc impossible, condamne les deux amants à une mort imminente, comme l'imago, dernier état du bombyx, s'approche de la sienne. Sous cette forme de papillon il ne produit plus aucun fil de sa bave : plus de potentiel narratif, de paroles.

phototaxie, attirance pour la lumière
Les chinois se sont intéressés très tôt aux phénomènes naturels lumineux la nuit ou liés à la mort : les feux follets autour des marais et cimetières, la luminescence des végétaux et des corps en décomposition, les lucioles… Le clignotement alternatif entre le néon et la lumière émanant du fil phosphorescent vient dessiner comme une métaphore des lumières naturelles et artificielles qui se disputent le domaine de la nuit, du clignotement des lumières de l’activité nocturne d’une extrémité à l’autre de la terre mais également des résurgences, du rayonnement et des influences des cultures les unes sur les autres.

< tour de l'exposition

otium
imago (Pyrame & Thisbé) + mori
phototaxie, attirance pour la lumière

mosaic