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Bruit blanc

Face à un canapé vert renvoyant de manière artificielle et aseptisée à la nature, un écran brouillé qui ne parvient pas à transmettre d'image, présence lumineuse prenant la dimension de l'absence de connexion et de la solitude qu'elle impose. Hypnotisant, ce phénomène uniforme est pourtant aussi agitation, grouillement. Un son continu de stridulations nocturnes de sauterelles occupe l'espace, épouse de manière quasi organique ces mouvements à l'écran, laissant le spectateur magnétisé – comme les insectes autour de nos lampadaires – entre douce somnolence, nostalgie de nuits d'été qui grouillaient de vie, et vague intranquillité face à un écran qui ne capte plus, nous isolant et reconvoquant des images de films d'horreurs.

Le téléviseur - par lequel nous est continuellement rappelé que nous sommes la cause des dérèglements climatiques et des extinctions massives d'espèces - participe, par la lumière qui en émane la nuit à travers les fenêtres des habitations privées, à la pollution lumineuse qui affecte la biodiversité. Il modifie culturellement notre rapport à la nature et, nuisant à la qualité de notre sommeil, réduit notre capacité d'attention et de prise de conscience. Les stridulations de sauterelles nous rappellent la douceur des nuits d'été mais qu'en serait-il pour des générations futures qui n'en auraient jamais eu le souvenir, ou qui connaîtraient une recrudescence des invasions de sauterelles (en fait des criquets) que l'on associe aujourd'hui au réchauffement climatique et qui convoquent des mythologies anciennes : plaies d’Égypte, fléaux, calamités, elles ont longtemps été perçues comme punition divine.

L'écran cherche à transmettre une image qui ne vient pas. Si la qualité de nos réseaux est telle que nous ne sommes presque plus confrontés à ce genre de coupure, nous pouvons échouer à transmettre aux générations futures la qualité des nuits que nous avons connues (stridulations des sauterelles, lueurs des lucioles, chant des crapauds, hululement des chouettes, étoiles…)

Le titre fait référence au ‘bruit blanc’, son hypnotique et monotone qui peut aider à s’endormir ou à se concentrer, à la ‘neige’ sur un téléviseur qui ne parvient pas à capter d'images, mais aussi à la lumière blanche des éclairages LED la nuit qui excite, attire les insectes dans des pièges et forme un ‘bruit’ ambiant dans lequel se perdent les communications lumineuses d’insectes comme les lucioles.

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