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Les narigueras (parures de nez des élites pré-colombiennes) avaient pour fonction d’éblouir la population, l’or et l’argent reflétant le soleil andin, mais aussi de modifier le son de la voix et d’en cacher la provenance, ces effets lumineux et acoustiques participant de la divinisation des castes dominantes.
Les lames portent une double référence : au tumi , couteau sacrificiel à large lame, objet de violence ritualisée, dont on retrouve parfois la forme dans les ornements nasaux des élites Mochica qui seules étaient admises à consommer la feuille de coca pour entrer en communication avec les divinités, et aux lames utilisées aujourd’hui pour former les lignes de cocaïne. La consommation de la feuille de coca s’est élargie afin de légitimer l’Etat Inca par un ordre transcendant, symbolique – avant d’être banalisée par les Espagnols afin de rendre supportable la colonisation et le travail dans les mines des populations indigènes asservies.
Illicite - invisibilisée - mais emblématique d’un monde où le temps s’accélère, d’une société de compétition généralisée, la cocaïne et autres psychostimulants permettent aux individus de s’adapter à la frénésie du système, un dopage qui contribue à l’élaboration de la mythologie méritocratique et au culte de la performance.
Angle mort
Des lames forment un papillon de nuit, esquissant dans le même
temps la structure d’un nez, un nez tronqué, entamé, mort. Ce nez
symbole de fierté dont ont été amputées les statues antiques pour
tuer les idoles d’un pouvoir renversé.
Nez aux tissus nécrosés, aux parois nasales perforées - des paysans
cocaleros rongés par la leishmaniose dans les champs de coca
jusqu’aux sniffeurs de coke.
Les ocelles de certains papillons leur permettent de se faire passer pour un plus gros prédateur ; ici, superposés à la structure du nez, les trous peuvent renvoyer à la perforation du septum (cartilage du nez) lors de la cérémonie par laquelle un individu Mochica est introduit dans la classe dirigeante, lui permettant de porter les narigueras