Section | astonishment

Une lame d'acier vient fendre l'espace et de son miroir dédoubler la lourde table, masse pesante suggérant un sombre passé. D'un revers, l'acier retourne contre elle son propre poids, formant une énorme presse, mâchoire de pierre abasourdie. Silencieux retentissement, le reflet plane comme une menace...

Le barrage Vauban ne fait aujourd'hui plus obstacle, il est lieu de passage et accueille les conversations quotidiennes par bribes. L'eau sous le pont non plus n'est jamais stagnante, elle dérive sans s'interrompre sous nos pieds.
Dans une architecture militaire ingénieusement conçue pour la résistance en temps de guerre, sont entreposées, dans des cellules closes, les vestiges de la cathédrale de Strasbourg, saints et gargouilles, statues amputées et plâtres, révélateurs d'une foi inquiète.

C'est à ce point de jonction, là où le barrage permettait d'obstruer les arches, plongeant une partie de la ville dans un vaste marécage, et sur la table froide et carrelée de chirurgien - utilisée pour opérer à la hâte les blessés et visiblement prévue pour écouler de grandes quantités de sang - qu'une fine mais large tranche d'acier inoxydable — matériaux couramment utilisé dans les salles d'opérations - vient rejouer la dis-section, figurer l'amputation, transformant la table en tombeau. La lame n'ôte pas, elle redouble — plus sombre.

La pièce elle-même est animée par l'approche, le passage ; mouvante à mesure que l'on se déplace, elle offre une plongée vers le haut là où les vitres qui encadrent le sol du pont levis que l'on traverse, nous incite à un regard plongeant vers les eaux écumantes.
La plaque miroir reflète et dédouble la table comme l'eau, vu de l'extérieur du barrage, reflète et dédouble le pont couvert entier.

Exposition au barrage Vauban, Strasbourg, du 26 juin au 26 juillet.

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